LIVRE










Les Égarés

Les Champs de Perséphone
 
par Melchior Mercure




d'après une histoire
de Julher Nibreh & Melchior Mercure

les poèmes de Torhu Govic ont été composés
par Saül Shao Gaël 


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Prologue



Les deux véhicules de reconnaissance s'étaient finallement rapprochés sans essuyer de représailles de l'épave silencieuse. Bagart ne se décidait pas à éteindre l'affreux air folklorique dont il forçait dès le réveil ses camarades à écouter avec lui. Le pire, c'était qu'il avait réussi à lui seul à instaurer cette nouvelle mode, ces vieilles rengaines dans tous les comptoirs où se retrouvaient les pilotes du secteur quinze. Toute cette partie du Nuage fredonnait machinallement les chants ridicules de la vieille Terre ante-spatiale, et personne ni même Bagart n'avait pourtant la moindre idée de ce dont pouvait bien causer ce troubadour de Chuckberry et de sa foutue Egypte.
Bagart râlait encore il y a deux minutes, mais maintenant il était aussi muet que Kruger. L'objet avec lequel ils essayaient de communiquer n'avait aucune référence lisible. Ce n'était pas tellement surprenant. Mais vraiment, rien, même de sa carlingue, ne permettait d'identifier ce vaisseau. Les deux pilotes attendaient à une distance prudente.
Le scanner thermique peinait à éclaircir la situation. Les séquences se répétaient. Kruger n'arrivait pas à se décider. Le bâtiment était assez volumineux, mais ce n'était pas ça qui gênait le scanner. Non, les résultats s'affichaient. Et Bagart non plus ne voulait pas se prononcer. L'épave émettait bien la couleur symbolique d'un métabolisme vivant. Mais elle se déployait dans tout le volume du vaisseau. De manière uniforme.
« Je ne crois pas que ce truc soit l'astéroïde des fuyards, Bagart. »


* *
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Ailleurs dans les confins de l'espace, orbitait lentement un aérolithe étincelant. Une poussière errante. Quelques mètres cubes d'acier.
Seul, au milieu d'un système désolé, le frêle satellite narguait l'astre tranquile autour duquel le petit cortège de planètes se languissait d'un futur florissant. Mais les éclats argentés de ce nouveau corps ferreux n'étaient encore que de pâles reflets.
Comme les autres, il suivait les ellipses ondulées propres aux caprices du soleil, des jeux étranges des masses perdues dans les dimensions grandioses de l'espace cosmique. Ainsi ballotée, endormie dans le lent tempo cyclique, la petite cellule abandonnée dans le manège celèste, bercée par les flots vides et opaques, oubliait, se faisait oublier.
Au milieu de ce spectacle immense, l'infra-mince. Une ligne infiniment imperceptible était pourtant tendue vers d'autres cieux de l'espace-temps.



cette version : décembre 2014
 le poème du Torhu Govic est de Saül Shao Gaël